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ARCHIVES ECOUTER 2013

MATILDE DI SHABRAN de Gioacchino Rossini

festival rossini à pesaro
Il ne s'agit pas vraiment d'une nouveauté mais je ne pouvais pas laisser plus longtemps dans l'ignorance ceux qui ne connaissent pas cette oeuvre et cet enregistrement du spectacle du Festival Rossini de Pesaro 2004, repris l'été dernier avec Olga Peretyatko dans le rôle titre. Tout n'est que bonheur, luxe et volupté. Rossini est ici particulièrement sublime: une énergie, une verve, un enthousiasme, une inventivité, en un mot comme en cent une partition jubilatoire. Contemporaine du Barbier et de Cenerentola, Matilde di Shabran n'en a ni la notoriété ni l'aura. La faute certainement à un livret, un peu compliqué et moyennement vraisemblable, qui n'émane pas d'un texte prestigieux. L'intrique se déroule en Espagne. Le héros Corradino ne pense qu'à la guerre, à la violence, aux combats, à la gloire militaire et hait les femmes, qui le terrorisent. Pris en tenaille entre deux beautés, Matilde et la Comtesse d'Arco, qui veulent le conquérir à tout prix, il finira par succomber à Matilde di Shabran, suite à quelques péripéties haute en couleurs. Vous l'aurez compris, ce qui compte ici c'est la musique, l'écriture subtile et complexe, le tourbillon rossinien, plusieurs passages évoquant clairement Cenerentola et le Barbier. Et les voix. Ici, pas un seul air de ténor mais des duos et des ensembles vertigineux. C'est un feu d'artifice quasi continu qui enchante et emporte. Juan Diego Flores incarne le potentat misogyne et atrabilaire et vous ne vous en remettrez pas. Il affiche une santé vocale qui frise l'insolence, se jouant des innombrables difficultés vocales de la partition avec un aplomb confondant et des aigus de toute beauté. Sidérant et électrisant à la fois. A ses côtés la Matilde di Shabran d'Annick Massis est le contrepoint parfait, avec un timbre plein de charme et de malice, et une technique vocale remarquablement à la hauteur des mille et un pièges quasi sadiques tendus par Rossini. Le reste de la distribution, sans être toujours aussi parfait que Flores et Massis, est tout à fait à la hauteur et forme un ensemble vocal très homogène. A souligner la prestation irrésistible de Bruno de Simone qui campe, tout en napolitain, le poète Isidoro. L'orchestre de Galice et le choeur de Prague représentent le seul bémol face à tant de génie et d'inspiration, même si le jeune Riccardo Frizza tente de les électriser de son mieux. En cette période de grisaille et de frimas, voici l'antigel idéal.

matilde di shabran
R. Frizza, Orquesta Sinfonica de Galicia, the Prague Chamber Choir,
Juan Diego Flores (Corradino), Annick Massis (Matilde di Shabran), Chiar
Chialli (Contessa d'Arco), Bruno de Simone (Isidoro), 2004, Decca (3CD)

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